Une réforme de l’assurance-emploi adaptée au XXIe siècle

Un texte de Pierre Céré, porte-parole du CNC, publié dans Le Soleil et La Presse

Le lendemain du Discours du Trône, Michel C. Auger, sur les ondes de Radio-Canada, posait la question suivante à ses invités politiques: «Est-ce qu’on est capable de faire une réforme de l’assurance-emploi en quelques mois seulement?». La question est excellente, au regard de la lourdeur notoire de ce programme. La réponse pourtant, et sans aucune hésitation, est oui. Le gouvernement fédéral vient d’en faire la brillante démonstration. Le réel enjeu sera d’en assurer la pérennité.

On ne parle pas ici, en effet, de petites mesures. Avec les changements entrés en vigueur le 27 septembre, la ministre Qualtrough et son équipe ont pris à bras le corps les fondamentaux de cette loi, là où le bât blessait: l’admissibilité, la période et le taux de prestations accordés, le délai de carence, les rémunérations de fin d’emploi ainsi que les sanctions rattachées aux raisons de fin d’emploi jugées invalides.

Pour ne donner qu’un seul exemple, on a établi un critère unique d’admissibilité, fixé à 420 heures.

Les années 1990 avaient laissé ce programme dans un véritable état de ruines, réduisant drastiquement son accessibilité tout en dégageant des dizaines de milliards de dollars de surplus détournés de leur destination. Nous avons dû vivre avec ces paramètres pendant trois décennies. Nous sommes aujourd’hui placés devant une évidence: le gouvernement vient de procéder, par simple voie réglementaire, à des changements majeurs de ce programme. Prenant acte de ce que la crise sanitaire, doublée d’une grave crise économique, a mis à découvert, c’est-à-dire les failles importantes, et la lourdeur, de notre filet social, le gouvernement a ainsi introduit un nouveau cadre de protection, mieux pensé, mieux adapté et plus agile.

Une réforme temporaire

Ces mesures, qui prennent les traits d’une véritable réforme, demeurent tout de même des mesures temporaires, avec une date de péremption fixée au 11 septembre 2021. Peut-on imaginer, après, revenir à la case départ, c’est-à-dire avec un régime inique, déconnecté des réalités terrain et des nécessités?

Le Discours du Trône a fixé un objectif: «Cette pandémie a montré que le Canada a besoin d’un régime d’assurance-emploi adapté au XXIe siècle, y compris pour les travailleurs autonomes et les personnes qui travaillent dans l’économie à la demande.» La barre est là.

Et c’est ce à quoi nous invitons non seulement le gouvernement, mais l’ensemble des composantes de la société civile: favoriser la mise en place d’une réforme permanente du programme d’assurance-emploi, permettant d’établir une meilleure couverture, mais aussi, en quelque sorte, un nouvel équilibre.

«Backlash» à prévoir

Certains argumenteront que le gouvernement est allé trop loin, ignorant du coup que ces mesures aident des millions de nos concitoyens et supportent directement l’économie. Dans tous les cas, cela se discute. D’autres martèleront qu’après la PCU, c’est l’assurance-emploi qui représentera un frein à la reprise économique. On entend déjà les sirènes.

Des alarmistes nous indiqueront le déficit, que bien sûr il nous faut appréhender. Selon le rapport actuariel 2021, publié en août, celui-ci sera à la fin de 2021 de quelque huit milliards de dollars. Ce ne sera pourtant pas la première fois que la «caisse» fera face à un déficit puisqu’elle suit les courbes de l’économie. Ce déficit sera facilement épongé, comme par le passé, en fonction d’un taux de cotisation équilibré, voire raisonnable, et par l’apport de nouveaux revenus générés entre autres par les hausses des salaires et par l’augmentation du nombre de salariés dans la population, et de la baisse prévisible des taux de chômage.

L’enjeu, pour nous, n’est pas sorcier: d’une réforme temporaire, nous devons passer à une réforme permanente assurant cet objectif de nous donner un programme d’assurance-emploi digne du XXIe siècle. Nous sommes là. Et nous travaillerons de façon imperturbable à l’atteinte de cet objectif.