Un rôle de chien de garde

Un rôle de chien de garde

Par Pierre Céré, porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC)

La pandémie de la COVID-19 a littéralement provoqué un séisme dans le monde du travail, faisant basculer vers le chômage, et d’un seul coup, des millions de personnes. Un choc à peu près jamais vu dans notre histoire récente, sinon lors de la Grande Crise provoquée par le krach boursier de 1929. Ainsi, au climat anxiogène de la maladie transmissible, est venu se greffer celui du chômage. L’aide d’urgence, essentiellement mise en place par le palier fédéral, répond à de nombreux besoins, mais il y a encore des laissés-pour-compte, et aussi un manque de clarté dans l’information transmise.

Depuis la mi-mars, début de l’état d’urgence, les lignes téléphoniques de nos groupes n’ont pas dérougi. Notre travail, au quotidien, s’en trouve complètement bouleversé. Les demandes d’informations affluent par milliers : « Je termine mon congé maternité au mois de mai […] J’ai épuisé mon chômage […] Mon chômage se termine dans quelques semaines […] Qu’est-ce que mon employeur doit indiquer sur le relevé d’emploi […] J’étais en chômage maladie […] J’ai deux emplois, il m’en reste un à temps partiel, j’ai des enfants […] Mon employeur a réduit mon horaire de travail à 3-4 heures par semaine […] Je suis saisonnier, mes prestations de chômage sont terminées, le travail ne recommence pas, je ne sais pas comment je vais faire l’épicerie ».

Les gens sont à ce point désemparés qu’ils arrivent parfois à nous confondre avec Service Canada, dans l’espoir que nous puissions corriger la situation. Car il faut bien le dire : depuis le 27 mars, les 600 bureaux de Service Canada sont fermés! Le seul point de contact demeure le « centre d’appel » dont les lignes téléphoniques sont tellement engorgées que les gens attendent des heures avant de se faire raccrocher la ligne au nez…

Pour répondre aux besoins gigantesques en termes de remplacement du revenu, le gouvernement fédéral a mis en place la « prestation canadienne d’urgence » (PCU). Même s’il a fallu un certain temps pour y arriver, un temps qui nous a semblé des siècles, nous avons salué sa mise en œuvre. Il le fallait. Cette mesure, et d’autres aussi, sont venues relâcher la pression et aider directement les gens. Par contre, et il faut le dire, nous continuons à devoir décoder les différents aspects de sa couverture et de son fonctionnement.

Ainsi, il nous a fallu comprendre, à force d’insister, que les travailleurs et les travailleuses de l’industrie saisonnière, en fin de prestations, et sans retour au travail prévu dû à la crise sanitaire, n’étaient pas protégés par la PCU. Non plus, ceux et celles qui terminent une indemnité de santé-sécurité (CNESST), d’assurance-automobile (SAAQ) ou d’assurance-salaire ou qui ont connu une baisse de revenu. Des ajustements devraient être annoncés bientôt, d’autres viendront. Il y a des trous dans ce gigantesque filet social et il faut les colmater.

Il est par ailleurs paradoxal, dans ce contexte, de voir ces géants comme « Airbus Canada » et autres devenir des prestataires de l’État. Comme si la grande entreprise, les grandes fortunes, les financiers étaient disparus dans le brouillard, et les capitaux avec eux. Est-il vraiment nécessaire de rappeler que l’argent ne se trouve pas seulement dans les coffres de l’État?

Pour notre part, nous avons fait un choix : soutenir les mesures d’urgence, mais continuer à mettre le doigt sur les carences, de façon à s’assurer que personne ne soit laissé de côté en ces temps si difficiles. La démocratie vient avec ses chiens de garde.

Nous continuerons notre travail d’information auprès de la population tout en réclamant que le gouvernement mette en place un plan de communications efficace et une vaste campagne de publicité pour informer adéquatement la population. Cela participera grandement à faire baisser le niveau d’anxiété général.


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